Son ossature de métal a poussé en quelques semaines. Le long du boulevard Beaurepaire, impossible de manquer ce cube qu’OVH achèvera d’édifier d’ici la fin de l’année. C’est un nouveau « datacentre », une tour de serveurs informatiques sans lesquels Internet serait bien démuni. Le hasard n’est pour rien dans son architecture où tout est une histoire de chaleur…

Le chantier a commencé début mai et devrait s’achever fin décembre ou début janvier, avec l’arrivée des premiers serveurs à l’intérieur. Une fois les fondations coulées, si la structure métallique a été aussi rapide à sortir de terre cet été, c’est qu’elle est basée sur des modules de 25 mètres de long par 3 de large, préfabriqués à Boulogne-sur-Mer et Saint-amand. En deux semaines, tout était apporté par des convois exceptionnels et assemblé, comme un jeu de construction.
Comme une cheminée

La particularité de ce cube de 22 mètres de haut, c’est qu’en son centre, il sera vide. Un espace qui fera office de vaste cheminée pour permettre à la chaleur produite par ces milliers d’équipements électriques de se dissiper. Vous pouvez faire l’expérience vous-mêmes : posez la main sur un ordinateur et vous constaterez qu’il dégage de la chaleur. Alors multipliez cela par les quelque 35 000 serveurs du nouveau datacentre et vous comprendrez qu’il faut bien que cette chaleur s’en aille. Et il faut qu’elle quitte vite le site. « Il y a un risque qu’avec certaines directions du vent, on réutilise de l’air déjà réchauffé. » Ainsi, dans la tour actuellement en construction, l’air frais sera aspiré par toute la surface et l’air chaud pulsé par les ventilateurs montera naturellement par la cheminée. Il faut préciser que pour absorber les calories émises par ses serveurs, OVH utilise de l’eau : un circuit de liquide passe par les composants et permet leur refroidissement. C’est cette eau qui passe ensuite par des ventilateurs. Il y en aura seize pour chacun des six étages du datacentre en construction. Ce système n’utilise pas d’appareils de climatisation et permet une consommation d’énergie électrique la plus réduite possible.

À Paris, OVH utilise un procédé ingénieux pour refroidir l’eau qui refroidit ensuite ses serveurs. Elle est puisée à 60 mètres de profondeur, à 14 degrés.

Une fois passée par les installations, elle est réinjectée dans le sol avec 10 degrés de plus. Cette solution aurait-elle pu être utilisée à Roubaix ? « Non, car il n’y a pas de nappe d’eau non potable accessible », déplore Henry Klaba. Le président d’OVH a bien cherché une alternative. « On a fait une étude avec le canal de Roubaix, mais les débits et la chaleur étaient trop importants. L’augmentation de température était supérieure à 5 degrés et les Voies navigables n’étaient pas d’accord. » Alors il a fallu trouver un autre moyen de faire se dissiper l’énergie produite par les milliers de serveurs des datacentres. Et c’est ce qui a permis d’aboutir à ce système de cheminée. Satisfaisante d’un point de vue technique, cette façon de régler le refroidissement des serveurs d’OVH ne contente pas totalement Henry Klaba. Qui se dit qu’il pourrait trouver un autre moyen pour valoriser les calories disséminées dans l’air.

Comme elle transite dans de l’eau, en circuit fermé, « cette chaleur est facile à transporter », indique le président d’OVH. Les débits sont importants (l’équivalent de deux citernes de camions par heure) et à une température de 60 degrés. Rien n’empêcherait donc l’entreprise d’assurer le chauffage des habitations et entreprises voisines, par un simple système d’échangeur. Et tout cela gratuitement en plus ! Selon les estimations d’Henry Klaba, les bâtiments situés entre 200 et 400 mètres autour d’OVH pourraient en profiter. Toutes proportions gardées, évidemment, on n’est pas loin de ce qui se passe autour des centrales nucléaires, où l’eau chauffée par les réacteurs alimente des viviers pour poissons (c’est le cas à Gravelines) ou des serres pour faire pousser des légumes.

Et ce n’est pas fini. Car avec la perspective de construire de nouveaux centres de données sur place dans les prochaines années, OVH pourrait faire plein de choses avec sa chaleur. « On a cherché des possibilités de la réutiliser pour sécher des choses… ou pour chauffer un équipement du type Aqualud », imagine Henry Klaba qui verrait bien un grand dôme de verre et des piscines en dessous. « Techniquement, c’est tout à fait réalisable ! » Un rêve qui est bien loin d’être, pour l’instant, un sujet brûlant.

Article source la voix du nord